Mai 2000.
Ça fait déjà 4 heures que je me morfonds dans cette cellule noire et crasseuse du Palais de la Justice de Tunis. J’attends qu’on m’appelle pour rencontrer le juge. Je suis écœuré par ceux qui viennent me coller et me demander une cigarette ou me questionner sur les raisons de ma présence avec eux.
Costumé, cravaté et chaussures luisantes, je contraste avec la cellule et tout le bon monde qui y était dedans.
Bon monde ça me fait rire de l’écrire, en fait des voyous, des voleurs, des violeurs, des dealers, des commerçant illicites de liqueurs, dans l’ensemble, la classe de la crasse, peut être quelques innocents mais qui ne se démarquent pas de l’ensemble.
Rien à les voir je me sens très mal à l’aise de me trouver ainsi parmi eux.
Soudain un policier arrive en criant : « Allez ouste tout le monde me suit, tout le monde dehors ». Ce mot tout le monde, ne m’a pas rassuré. Je me suis adressé au policier lui demandant vers ou aller, il s’est éclaté de rire « Chez ta Tante ».
J’ai suivi en file indienne, les personnes qui m'ont devancés, nous avons remonté un escalier et après quelques pas je me suis retrouvé à l’intérieur d’une fourgonnette avec une dizaine de personnes. La portière du véhicule s’est fermée derrière moi, je ne comprenais rien du tout, ceux qui m’accompagnait riait et s’échangeaient des recommandations avec un air très ordinaire.
Le véhicule démarre à grande vitesse. Je me demande encore qu’est ce que je fais ici et à quelle "Maison de Tante" je vais y aller et pourquoi ? J’ai été convoqué par le juge en raison de ….. et procéduralement je doit passer par les cellules du Palais de Justice. Pourquoi sans même avoir vu le juge on m’expédie vers la "Maison de Tante" qui n’est autre que la PRISON.
Environ 15 minutes après, la Fourgonnette s’arrête définitivement, la portière s’est ouverte et en suivant mes "Compagnons", je descends dans une grande cour bien reconnaissable par son architecture et ses grilles: Bienvenue à la PRISON 9 AVRIL de Tunis.
Les vétérans connaissant la procédure, se sont dirigés vers une grande entrée menue d’une grande grille ouverte. Je ne peux que les suivre.
Nous nous sommes accolés aux deux murs l’un en face de l’autre et un autre groupe de personnes arrêtées sont venus nous rejoindre. Nous étions environ une trentaine de personnes.
Après avoir rempli des fiches de renseignements dans un premier bureau, nous nous sommes dirigés vers une seconde salle ou nous avons consignés nos biens.
J’ai remis tous mes papiers, mon carnet de chèque, tout l’argent espèce ainsi que mes clés. Afin d’éliminer le risque de crimes ou de suicides j’ai été obligé de me débarrasser aussi des lacets des souliers, de ma ceinture et de ma cravate.
Suite à l’observation et à l’écoute des vétérans, je n’ai pas oublié d’acheter pour 10 DT des coupons d’achat nécessaires pour acquérir divers produits de l’épicerie de la prison. L’Argent liquide n’y circule pas.
Finalement nous avons été conduits dans un pavillon particulier pour y passer la première nuit.
Le dortoir était sombre, sale et constitué de plusieurs lits métalliques à deux niveaux accolés les uns contre les autres. Les matelas puaient la moisissure et les couvertures grises étaient très dégoutantes. Je m’en passe sur les oreillers dont les chats de notre quartier éviteront de s’y détendre.
Le Chef de Chambre qui était aussi un prisonnier m’a remarqué et il est venu m’interroger sur les raisons de mon incarcération.
Suite à ma réponse, il me choisit le meilleur des lits et recommanda à deux autres détenus de veiller sur moi.
Quelques casse-croutes furent distribués (apparemment achetés de l’extérieur et ramenés par les gardes). Un collègue m’offrit un morceau, je déclina gentiment. Quoi que je n’aie rien mangé depuis environ 10 heures, je n’avais aucune faim.
J’ai couvert l’oreiller avec ma veste, je me suis détendu sur le lit et mes pensées allèrent vers ma femme, ma mère et mon fils. Que sont-ils en train de faire maintenant ?, qu’est ce qu’ils sont en train de ressentir ?. Ils me manquent énormément. Cette séparation était imprévisible.
D’après l’administration de la prison, je suis en détention provisoire pour 15 jours.
A suivre ….
Le capitalisme est-il mauvais pour la santé ?
Il y a 7 mois
24 commentaires:
Là, je suis certain...il faut pleurer. MALI
PS : ce détenu peut être n'importe qui...mais qui est il ?
et ben! :S, je sais pas quoi dire... je vais donc attendre la suite...
@ Mali : Ceci n'est pas une Fiction, c'est une Réalité, le Détenu c'est Téméraire en l'an 2000.
@Sami III : OK, pour la suite.
c un recit poignant, les gens ne parlent pas de ce genre de chose cher temeraire, je salu ton courage, ta sincerité et ton franc parler !
j'attend de lire la suite !
Je n'avais pas envie d'y croire, mais les détails ne peuvent découler d'une fiction naïvement racontée.
Ta note est louable cher Témé et j'attends la suite avec impatience !!!
à téméraire, pourquoi la prison?
Je retiens mon souffle.
J'attends la suite pour commenter.
Cher Téméraire,
Je vais te raconter une histoire hallucinante. Je connais un tunisien, qui habite el Menzah, a Tunis, bien sous tous rapports, et qui a décidé de donner des cours d’arabe à ses enfants le soir chez lui car il estimait que ses enfants en avaient besoin. Il demande donc au prof d’arabe de ses enfants de venir deux heures par semaine à la maison, moyennant finances, pour rattraper le niveau de ses deux enfants. Quelques mois passent et ce chef d’entreprise demande le renouvellement de son passeport pour affaires en Europe. Un mois passe. Il retourne chez les flics pour voir où cela en est. On lui dit que son passeport est retenu au ministère de l’intérieur. Il y va. Là on lui demande s’il connaît un certain sidi…. Il dit que non. On lui rétorque que ce Sidi…vient chez lui une fois par semaine. Il répond… bien sûr c’est le prof d’arabe de mes enfants. La police lui répond qu’il (lui) est un support des islamistes et qu’il n’aura pas son passeport. Jusqu’à ce jour il l’attend.
Ce Monsieur je le connais. Il est musulman pratiquant mais absolument tolérant. Quand il me reçoit et il me propose de l’alcool et bien sûr je refuse connaissant ses convictions. Il a toujours la même bouteille de whisky dans son bar. Elle a du prendre de l’âge et doit être bonne. Mais par respect pour ses convictions personne ne le lui demande. Mais le prof de ses enfants est islamiste. Alors il paye bien qu’il n’y soit pour rien. Est-ce un dommage collatéral ? MALI
Sa7e lek au moins toi tu peux parler et t'as vu ce qu'il y avait à voir et ce que beaucoup ignore .
Si c'est quinze jours que t'as pris, c'est que c'était vraiment bénin .
j'éspère que ta tante ne te manques pas depuis .
T'as pas attrapé des maladies ou des parasites ?
La nourriture était-elle bonne ?
Les toilettes communes ou séparés ? Fama douche ?
Je m'excuse de ces questions mais sait-on jamais mieux vaut se renseigner avant de prndre des vacances bien mérités sur le lieux du séjour .
Pourquoi tu étais détenu téméraire? c'est émouvant!
@Ulyssen : Je suis passé par cette expérience que j’ai considérée au début comme un Drame mais par la suite j’étais convaincu que s’était l’une des meilleures aventures de ma vie.
J’ai plusieurs amis juges, qui ne connaissent de la Prison 9 Avril que le nom. Après mon incident, je les ai conseillés d’aller passer une semaine là bas, ça les aidera mieux dans leurs prises de décisions.
Toutefois 9 Avril est fermée vive Bordj El Amri. Théoriquement il doit être luxueux 5 étoiles.
@SWORDEDDINE : Je suis en train de faire travailler mes méninges pour essayer de faire une description la plus fidèle que possible, malheureusement, disons l’ébahissement de l’événement m’a empêché d’enregistrer certains détails intéressants.
@Tun-68 & Legend Of The Fall:
- à téméraire, pourquoi la prison?
- J’ai fait exprès de laisser la cause pour la fin. Un truc banal qui peut arriver à n’importe qui !!!
@CITIZEN : J’espère terminer la suite pour demain.
@MALI : J’ai eu affaire avec la justice en 2 fois : celle-là, une affaire banale qui m’a embarquée dans une expérience que je ne regrette pas du tout et une seconde affaire très dangereuse montée en toute pièces par l’administration tunisienne qui a commencé avec des accusations demandant des peines de 8 ans de prisons pour finir par une amende de 1000 DT et entre temps une interdiction de voyage de 3 ans.
Cette seconde affaire fait vraiment pleurer. Hamdoulla, j’en parlerai une autre fois.
@Le Même :
Je ne regrette pas pour la période passée au "frais de la Princesse" sinon je ne suis plus tenté de refaire l’expérience, parce qu’en fin de compte elle est très douloureuse surtout pour ceux qui vous aiment.
Les réponses aux questions restantes tu les découvriras dans la suite de la note et j’espère du fond du cœur que tu ne fasses pas pareil séjour.
ça me rappelle des souvenirs pas très lointain ! je suis impatient de lire la suite..
on imagine pas que ça puisse aller ci vite quand on y est hen ??
Emouvant et courageux à la fois…oser parler de ce genre d’expérience est un exercice difficile…
@ Mali : Je suis et je serais un éternel révolté de voir, d’entendre ou encore de lire que quelqu’un est entrain d’attendre son passeport sans oser bouger le petit doigt (j’espère que ce n’est pas le cas de ton ami)…C’est frustrant et révoltant car le droit de circuler librement faut-il le rappeler est un doit droit essentiel garantie, en être privée est un crime d’où il faut crier fort pour le recouvrer. Comment ? …Je ne veux abuser de cette espace…
@Bizguellif : Je pense entendre un ancien locataire de la maison. Eh oui mon ami, le temps se fige là-bas, il ne bouge plus.
@Khanouff : Heureusement avec le temps, j’ai regardé les choses d’un angle objectif pour tirer des bonnes leçons, sinon, c’est une expérience qui reste dure a avaler lorsqu’on n’est pas préparé pour ça.
Lis mon commentaire adressé à Mali, j’ai passé par une période d’interdiction de voyager. Sans les nommer, j’ai écrit à toutes les instances de la Tunisie, j’ai jamais eu de réponse.
Il restait d’autre option : S’immoler avec le feu, faire la grève de faim, se suicider, se venger, se taire, attendre. Moi j’ai fait l’emmerdeur, pour faire bouger mon dossier judiciaire qui a été transféré au frigo. Chaque semaine j’allais taper sur la porte du juge : bonjour Mr, y a-t-il du nouveau.
En lisant 9 avril, j'étais sure que c'est une fiction que tu racontais dont j'admire le sens du détail mais là si tu dis que c'est en 2000,je commence à y croire, c'est rien de grave j'espère?!
comme on dit "se3et el 9dha liha ghafla", je suis sure que c'est un truc anodin pour que tu puisse en parler de la sorte, quoiqu'il en soit je salue ton courage et j'attends la suite avec impatience..
A Téméraire,
Cher Ami, pour te dire combien je te suis solidaire, combien j’ai honte de ce pays qui se dit la Suisse de l’Afrique, combien je suis peiné par ceux qui nous dirigent, combien je suis révolté par l’arbitraire, combien je hais toutes les injustices, combien je suis solidaire avec tous les humanistes. Je vais te raconter une autre histoire. Je connais un grand patron (il parait que cela n’existe pas en Tunisie), donc je connais un chef d’une grande entreprise privée en Tunisie qui engage un jeune lauréat de nos facultés pour promouvoir la communication moderne dans son entreprise. Ce jeune de moins de 28 ans possède tous les diplômes tunisiens pour ce faire. Mon ami, le chef d’entreprise, décide de l’envoyer un mois en Europe, afin de parfaire sa formation. Tout est ficelé. Argent, logement, etc. Manque le passeport. Le ministère de l’intérieur répond : ce mec est islamiste et on ne lui donnera pas de passeport. Mon ami le chef d’entreprise a du le licencier. A contre cœur car franchement ce mec était charmant.
Lutter contre le terrorisme…OK, lutter contre les fauteurs de merde…OK, lutter contre les poseurs de bombes…OK, lutter contre les…les…les…OK. Mais lutter contre les consciences, alors là, NON. Non et non. Et la rage monte chez les tunisiens. La RAGE. Emprisonner notre élite…c’est pas bon. C’est pas bon. Ce n’est pas bon. MALI
je ne connais toujours pas le pourquoi de l'affaire ?
Vraiment émouvant, je cours de suite lire la suite...
@Amaryllis : C’est vrai, ce qui m’est arrivé d’une façon ou d’une autre peut arriver à n’importe qui. Au début c’est difficile de l’admettre mais à la fin on se résigne à la volonté divine ou à la providence pour accepter ce qui nous est arrivé. Aujourd’hui, je ne regrette pas cette expérience qui m’a fait découvrir ce monde secret dont on ne parle pas ouvertement.
@MALI : Merci mon ami pour ton soutien, mon cas peut être considéré infiniment négligeable devant d’autres situations beaucoup plus dramatiques.
On ne peut pas comprendre les raisons de cette injustice. Il ya des responsables qui agissent ainsi de leur propres gré pensant bien faire. Ils agissent de la sorte, contre le citoyen, pour plaire à leurs patrons, pour avoir une promotion pour … et même pour affirmer le pouvoir qu’ils détiennent.
Ils agissent parfois très fortement au-delà du toléré pour montrer leur fermeté et leur application de la stricte loi……
@Tun-68 : J’ai laissé les raisons pour une note séparée à la fin.
@ téméraire : 1) Mon commentaite sur l'inaction devant une interdiction d'avoir un passeport étais pour mali au sujet de son ami (le religieux)...
2) faire la grêve de la faim!!! oui pourquoi pas si le courage et la conviction y sont...
3) s'immoler par le feu ou se suicider!!! Je ne pense pas que ces moyens soient appropriés...
Enfin, j'espere que mon commentaire soit compris au premier degrés et sans arrière pensée.
@Khanouff : J'ai bien compris que ton commentaire était destiné à Mali.
Au contraire, je l'ai compris positivement et je l'ai commenté dans le sens ou le rayon d'action de la victime est très limité. Les cas que j'ai nommés sont dans un sens plutôt ironique.
vite vite la fin de l'histoire ...
me dit pas que c'est pour un chéque sans provision ou une erreur judiciaire?
@Tun-68 : Patience, nous sommes au 2ème épisode du feuilleton.
@Sami : Les deux sont possibles, quoi que le chéque sans provision est le plus dominant.
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