mardi 20 février 2007

LE MASSACRE D’AL-AMIRIA A BAGDAD : QUI S’EN SOUVIENT ?

Ce texte a été repris du Blog suivant : http://omarkhayyam.blogsome.com/2007/02/15/al-amiria/

Le 13 février 1991, il y a tout juste 16 ans, une bombe anti-bunker, « à l’intelligence moyenne, qui tue et enterre en même temps », selon l’expression du tunisien Omar Khayyam, a fait plus de 400 victimes civiles dans l’abri d’Al-Amiria à Bagdad.
Qui s’en souvient ?

Le moteur de recherche Google, le plus performant d’entre tous, ne reconnaît même pas le nom d’Al-Amiria et suggère aux curieux d’essayer avec l’orthographe « al hamra » à Bagdad et c’est à peine qu’il évoque ce massacre à deux ou trois reprises dans des textes récents. Il est vrai que depuis le massacre d’Al Amiria, des millions d’irakiens, enfants, femmes et vieillards, civils et combattants, ont trouvé la mort sous des bombes plus intelligentes, à fragmentation, à l’uranium appauvri, au napalm et au phosphore, ou d’une façon moins brutale et plus lente, par la malnutrition, la faim ou le cancer occasionné par l’uranium appauvri qui pollue l’eau, le sol et l’atmosphère pour des générations. En juin 1995, Le Monde diplomatique a publié un article indiquant que l’Institut pour la science et la sécurité internationale de Washington avait estimé à 300 tonnes le poids total de l’uranium contenu dans les obus tirés en Iraq.
Les irakiens meurent de plus en plus aussi par le nouveau cancer des luttes interconfessionnelles, avec leur lot quotidien de voitures piégées, de massacres perpétrés par les escadrons de la mort et des assassinats ciblés…. ! Qu’est-ce donc que 400 morts dans un pays qui a enterré près de trois millions de ses enfants en 16 ans et où les vivants se sentent déjà en sursis?
Il est tout de même utile de rappeler les faits tels que relatés dans ce papier, traduit de l’arabe, de l’irakien Mohamed Bessam Youssef.
Ahmed Manai

« Il y a 16 ans, le mardi 13 février 1991 à 4 heures 30, avec les premières lueurs de l’aurore, deux violentes explosions se firent entendre à l’intérieur de l’abri al-amiria à Bagdad, faisant 408 morts, des enfants, des femmes et des vieillards, victimes d’un bombardement prémédité et bien calculé de l’aviation de la superpuissance américaine. Tous les martyrs étaient des civils. Ils avaient fui les bombardements sauvages de leurs quartiers, des ponts, des routes et des voitures en circulation, par l’armée du pays qui se gargarise de défendre les droits de l’homme, de protéger les civils innocents et de respecter les lois de la guerre et de la paix, pour se réfugier dans cet abri supposé à l’épreuve des bombes.

Tous ont péri par traîtrise : 260 femmes, 52 bébés dont le plus jeune avait à peine 7 jours et 90 enfants et vieillards entre 3 ans (le cas de l’enfant Ahmed Alamr), et 93 ans (le cas de Dhoul Fikar). On ne retrouva que 314 cadavres, passablement reconnaissables et des lambeaux de chair, des flaques de sang des 94 autres victimes.
L’abri d’Al Amiria était conçu pour protéger les fugitifs, enfants et femmes notamment, des armes non conventionnelles, chimiques, bactériologiques et des radiations nucléaires. Ses murs, en béton armé, avaient une épaisseur de 1,50 m et sa porte principale, en acier, pesait 5 tonnes. Il était censé protéger aussi contre les effets de la terreur des bombes et des bruits assourdissants de la guerre, si bien, qu’après le bombardement, l’abri a rendu inaudible les cris et les plaintes des suppliciés. Le massacre fut à la mesure de la sauvagerie des agresseurs américains » !

« Le 13 février 1991, à l’heure où le Muezzin appelait à la prière de l’aurore à Bagdad et où « le monde libre », c’est ainsi qu’il s’est autoproclamé, dormait d’un sommeil paisible, bercé par la certitude de la victoire du loup sur l’agneau, des centaines d’enfants et de femmes agonisaient et mouraient par suffocation ou par le feu, sans même pouvoir faire entendre leurs cris et leur douleur. Des familles entières furent ainsi décimées, des familles irakiennes bien sûr, mais aussi des syriennes et des palestiniennes. L’abri Al Amiria était un modèle réduit de ce qu’était Bagdad à l’époque, une ville ouverte à tous les arabes et où chacun avait les mêmes droits et les mêmes devoirs. C’est ainsi que Oummou Aymen, la syrienne, y trouva la mort avec 9 de ses enfants et petits enfants, à côté de Adiba, la palestinienne et les siens et toute la descendance de Oummou Ghaïdâa, l’irakienne et tant d’autres.
Cette dernière raconte : « j’ai perdu dans l’abri Al Amiria mes 9 enfants, garçons et filles. Je croyais qu’en les y amenant, ils seraient à l’abri des bombardements sauvages des américains. Depuis, j’ai perdu jusqu’au souvenir de mon nom, lui aussi a trouvé le martyr. Depuis, on m’appelle la mère de Ghaïdâa, la martyre. C’était ma fille aînée, âgée de moins de 13 ans. Le jour du massacre, on m’avait déconseillé d’y aller parce qu’il n’y avait rien à reconnaître. Mais je suis passée outre leurs conseils, leur rétorquant que j’étais une mère et que si je n’arrivais pas à distinguer leurs traits, j’arriverai quand même à les sentir. Ce sont mes enfants, une part de moi-même, mon cœur …je les reconnaîtrais sûrement !
Une autre mère irakienne raconte: « j’ai cherché vainement ma fille et puis soudain, j’ai aperçu son oreiller calciné. Je n’ai rien trouvé d’autre d’elle. J’avais espéré trouver d’elle une chaussure, un cahier ou même un lambeau de chair, n’importe quoi, qui me renvoie son odeur. Elle s’était simplement volatilisée ».

Une troisième mère raconte : « je cherchais mon enfant comme une folle. Mon fils n’était ni officier, ni conducteur de char, ni combattant. Il n’était même pas sur un site militaire ou au front. Il était dans un abri…à Al Amiria !
Abdel Krim Abdallah qui était dans les équipes de secours, raconte: « au troisième jour après le massacre et alors que nous étions en train d’enlever les débris et de nettoyer les murs du sang, des lambeaux de chair et d’organes humains (des yeux, des oreilles …) qui collaient, nous avons trouvé le cadavre calciné d’une femme auquel collait celui de son nourrisson, lui aussi calciné, surpris par la mort alors qu’il tétait le sein de sa mère » !

« Qu’aurai-je à ajouter, sinon que, si les arabes et les musulmans n’avaient pas gardé le silence sur ce massacre, perpétré il y a 16 ans, les américains n’auraient jamais eu l’audace d’essayer de transformer tout l’Irak, aujourd’hui, en une sorte d’abri Al Amiria et leurs agents et milices criminelles n’auraient jamais tenté de se déchaîner sur Bagdad et l’ensemble de l’Irak, avec toute la barbarie qui est la leur ».
Mohamed Bessam Youssef

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci de ce rappel.

C'est malheureusement la démocratie et la justice à l'américaine.

Ca fait pleurer ces mères qui cherchent leurs enfants et qui retrouvent ... une oreille...

:'(

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