Au milieu du sahara stérile, au sein des oasis fertiles et sous l'ombre des palmiers généreux fleurissent tout genre d’arbres fruitiers entrelacés dans un magnifique désordre. Pendant les quatre saisons on apprécie successivement les oranges pulpeuses, les figues succulentes, les abricots sucrés, les pêches veloutés, les grenades juteuses, les jujubes mielleuses et enfin les savoureux raisins qui pendent des vignes qui s’accrochent aux palmiers qui leurs créent des pergolas naturels.
En dessous de ses mêmes arbres fruitiers une grande variété de légumes pousse et imprime suivant différentes tonalités des couleurs à dominante verdâtre qui fait jalouser les plus irrigués des sols du nord du pays. Ainsi au gré des saisons, on peut apprécier des tomates, carottes, poivrons, piments, oignons, épinard, cambons, gombos, concombre, meloukhia (corète), salades … tous cultivés d’une façon biologique et naturelle sans aucun additif chimique ou insecticide …. Etant au bord du chott, la terre contient une certaine teneur de sel assez élevée qui remonte même aux plantes et leur donne une saveur assez particulière.
Les palmiers et les arbres fruitiers sont plantés avec une telle densité qu’on dirait une partie d’une jungle tropicale, ils ne respectent aucune règle de géométrie, ils sont éparpillés suivant des raisons connues uniquement par le Khammess qui les a plantés et qui maîtrise le circuit d’eau de son jardin.Dans mon village, à Nefta, les couleurs ont un spectre différent de ce qu’on a l’habitude de voir partout et ailleurs. Au printemps, quand les arbres commencent à fleurir, les couleurs se marient et ces jardins se transforment en un véritable Eden.
Quand vient l’automne, et que les dates mûrissent et lorsque les sommets des palmiers sont éclairés par les derniers rayons du soleil couchant, les couleurs se délayent en un surprenant tableau qu’aucun peintre ne sera capable de reproduire la tonalité.Les grappes de dattes affichent chaque teinte du jaune clair, à travers l’orange, le vermillon, le marron au pourpre, au crème brun ambré et avec leurs tiges jaunes brillantes, oranges ou ivoires elles contrastent d’une façon magnifique, tantôt avec le vert bleuté, tantôt avec le gris émoussé des couronnes de feuillages.L’Oasis de Nefta se trouve dans une dépression naturelle à la base même du Chott El Djérid. Il fut un temps ou Nefta était irriguée par une cinquantaine sources d’eau naturelles tièdes rassemblées en petites mares dans une zone appelée Corbeille.
La Corbeille donne naissance à un débit d’eau constant et relativement important qui se rassemble en un seul ruisseau qui va traverser le village et arroser tout l’oasis.
Le système d'irrigation à Tozeur et Nefta élaboré par Ibn Chabat a atteint une parfaite ingéniosité et minutie que le principe est d’usage jusqu’aujourd’hui. Le ruisseau principal qui rassemble les eaux de toutes les sources est divisé et subdivisé par une série de barrages faite de grosses bûches de palmiers pour devenir des petits rus qui sont à leurs tours subdivisés par le même principe en canaux appelés "Séguias" qui vont finir par arroser les jardins "Ghabas".
Tous les barrages principaux sont gardés et entretenus jour et nuit par des gardes de confiance afin d’éviter tout intervention abusive ou vol d’eau. Ces gardes sont payés par chaque propriétaire dont la "Ghaba" est irriguée par une eau qui passe par le barrage sous la responsabilité de ce premier.
L’Amine des Eaux est l'expert qui surveille le système entier. Il est sélectionné parmi les plus vieux habitants de la communauté qui jouissent de profondes connaissances en matières agricoles. Il a aussi pour fonction d’agir comme arbitre dans les différends à propos de droits de l'eau, les relations entre propriétaires et locataires, la vente de produits agricoles, etc… Annuellement, il lui revient de droit une quantité de dattes de premier choix prélevé sur chaque Ghaba.
Les frais d’entretien des canaux principaux d’eau sont prélevés sur tous les propriétaires terriens.
Les petits canaux Seguias sont entretenus par les Khamessas qui ont aussi en charge l’entretien des petits barrages qui détournent l’eau à leurs Ghabas.
La quantité d’eau délivrée à chaque Ghaba est mesurée par une unité de temps à travers une clepsydre locale appelée "Gadouss" qui est un récipient métallique remplit en eau et perforé en bas d’un trou de dimension spéciale lui permettant de se vider complètement en cinq minutes.
Généralement, le temps nécessaire pour irriguer une Ghaba d’environ un hectare est de 55 minutes, soit 11 remplissages de Gadouss.
Afin de faciliter l’irrigation, chaque "Ghaba" est subdivisée en plusieurs petites parcelles plantées de légumes suivant la saison. Les Seguias traversent la Ghaba de façon sinueuse afin d’assurer l’irrigation de toutes les parcelles.
Passant d’une parcelle à l’autre et usant de son savoir faire, le Khammess assure l’ouverture des brèches afin de permettre à l’eau d’irriguer de façon régulière tourtes les parcelles dans la limite du temps alloué. Ainsi, les légumes, les arbres fruitiers et principalement les palmiers seront bien saturés en eau jusqu’à la prochaine ronde.
En raison de la quantité importante d’eau qui irrigue tout l’oasis, il a été nécessaire de mettre en place un système de drainage pour évacuer l’eau qui risque de saturer le sous-sol. Chaque Ghaba est entourée d’un certain nombre de fossés "khandaks".
Les eaux de drainages collectés dans les khandaks sont conduites vers des fossés plus larges pour finir finalement dans le grand fossé "Khandak leKbir" qui entoure l’oasis du côté du Chott el Djérid et qui s’y déverse en cas de débordement.
En raison des départages par héritage, les dimensions des Ghabas de l’oasis sont devenus relativement modestes, ils sont d’environ un hectare chacune. Par contre on se souvient encore de la Ghaba de Dobech avec ses 2800 palmiers.
La Ghaba de Tichta, était remarquable par le grand nombre de variétés de dattes qu’elle contenait. Elle était la propriété d’un "Gaid" de l’époque colonialiste qui avait la passion de rassembler le maximum de sortes de différentes dattes dans le même jardin.
Nefta est née et a survécu grâce à l’eau est aux palmiers. Ses habitants, depuis des siècles, ont consacré leur vie à cultiver, à observer et à étudier les palmiers. Ils ont établis toute une science qu’ils transmettent d’une génération à autre. Le palmier est devenu tellement très familier que la majorité des Neftien en connaissent à fond chaque détail au point qu’ils en prennent soin instinctivement plutôt qu'intelligemment.
Aujourd’hui, les Ghabas de tailles modestes ne sont plus rentables et la nouvelle génération s’intéresse de moins en moins aux palmiers et soit ils abandonnent leurs palmiers à la sécheresse, soit qu’ils le laissent au profit d’un khammess qui leur paye annuellement un loyer.
Quoi que la main d’œuvre soit relativement abondante et à bon prix, les propriétaires et avec l’assistance des Khamassas préfèrent s’occuper eux même des travaux courants. Par contre certaines opérations telles que la bouture des rejets (les petits palmiers qui poussent sur le tronc de la mère) ou drageon, la replantation des rejets, la pollinisation des fleurs et la coupe des régimes (Arajens pluriel d’Arjoun) exigent des spécialistes qui sont moins nombreux.
Le Métayeur ou Khamess est l’ouvrier permanent qui s’occupe de la Ghaba. Il est considéré comme associé et il est rémunéré pour l'essentiel de son travail en nature outre une avance en numéraire lui permettant d’assurer son pain quotidien. Il fournit sa seule force de travail, pour laquelle il reçoit le cinquième de la récolte. Le Khammess est autorisé à planter des légumes, des fourrages autant qu’il souhaite pour son propre usage. Il doit verser au propriétaire le quart des produits de ce qui est vendu.
Le Khammess est tenu d’effectuer l'irrigation de la Ghaba, la taille des arbres fruitiers, la culture des parcelles, l’épandage du fumier, l’assistance lors de la pollinisation, le contrôle lors de la cueillette des dattes. Il doit entre autre maintenir en bon état le branchage des haies, le curage des Khandaks, l’entretien des Seguias. Lorsque les fruits mûrissent dans leurs arbres, ils ont besoin d’être gardés nuit et jour pour prévenir l’éventuel vol. Le Khammess et ses fils campent alors dans la Ghaba et passent leurs nuits soit dans la Guiricha (cabanon en branchages et palmes) soit dans une tente ou même à l’air libre.
La pollinisation des palmiers dattiers a lieu habituellement dans le Djérid du 15 mars au 15 avril. Les palmiers mâles appelés Dhokars fleurissent assez tôt et ils se distinguent des palmiers femelles par un feuillage plus dense, plus vert, plus doux au toucher et surtout par un tronc plus solide.
Les Dhokars sont généralement en un nombre très réduit. Un palmier mâle peu fournir du pollen suffisant pour féconder 500 à 600 palmiers femelles ; certains rares mâles peuvent fertiliser jusqu’à 1000 femelles.
Les Dhokars vivent beaucoup plus que les palmiers dattiers femelles, ils grandissent et deviennent assez long qu’il devient très difficile d’en collecter le pollen.
A la fin, Ils partagent le même destin que les vieux palmiers femelles stériles pour devenir un Légmia et fournir son suc intérieur sous forme d’un liquide savoureux, le fameux Legmi. A la dernière goutte, la mort de l’arbre suivra.
Beaucoup de pluie après les premières semaines de pollinisation est aussi nuisible que l'irrigation à cette période qui risque de causer la chute du fruit.
Les pluies occasionnelles qui peuvent tomber pendant les mois de Mai, juin et juillet c'est-à-dire, après que le fruit soit formé et avant qu’il commence à mûrir ne cause aucun dommage à la récolte.
Au début de l'automne, quand les dattes commencent à mûrir, le vent chaud et sec du sud est nécessaire pour accélérer le processus de maturation et empêcher le fruit de devenir véreux.
Par contre, toute pluie peut être désastreuse pour la récolte. S’il pleut en août ou en septembre, le fruit peut se détacher de l’arbre et tomber avant maturité. S’il pleut un peu plus tard, le fruit a tendance à pourrir ou à devenir moisi. Quand les dattes deviennent parfaitement mûres, une pluie légère est plutôt salutaire, il adoucit le fruit et le lave des poussières.
Deglet Ennour ne doit pas être récoltée avant la fin d'octobre, sinon elle se décolore rapidement et devient véreuse. Afin de mieux la conserver et lorsque les dattes commencent à mûrir, il était d’usage ancestral de couper environ un tiers de la tige principale des grappes de dattes dans le sens de la longueur afin de réduire l’écoulement de l’eau vers les dattes.
Les dattes sont constituées de plusieurs variétés qui mûrissent à des périodes différentes. Certaines variétés commencent à mûrir vers la fin de juillet tandis que certaines autres variétés tardives peuvent rester jusqu’à décembre. Par conséquent la récolte des dattes peut se prolonger jusqu’à 5 mois.
La récolte de Deglet Ennour commence normalement vers la fin d'octobre et souvent continue jusqu’à la première semaine de janvier. Heureusement que cette variété peut se conserver sans dégâts dans l’arbre mère à condition que l'automne soit sec.
Habituellement, les propriétaires vendent leurs récoltes de dattes, dans leurs palmiers, beaucoup bien avant qu’elles mûrissent. Les acheteurs se nomment Khadaras (pluriel de Khadar), se sont des négociants qui estiment la récolte en fonction de la saison et achètent la production à leurs risques et périls.
En ce qui concerne la récolte de Deglet Ennour, tout d’abord, il y a le "Gataa" dont le travail exige le plus de compétence. Armé avec un "mengel" il grimpe au sommet du palmier et après avoir écartés les tiges épineuses mortes ou celles qui dérangent son travail, il découpe les régimes "Arajens" (pluriel de Arjoun) de dattes et les tends à une succession d’ouvriers "Medadas" grimpant en file indienne sur le tronc du palmier jusqu’à ce que le Arjoun atteigne la terre ferme. Certains palmiers nécessitent jusqu’à 8 ouvriers pour faire descendre les régimes Arajens.
Les Medadas se maintiennent en position en entourant un bras autour du tronc et en bloquant leurs pieds nus sur les saillies naturelles qui couvrent le tronc. A l’aide de la main libre ils attrapent les Arajens et le font passer au Medad d’en bas et ainsi de suite jusqu’à la cueillette de tous les régimes du palmier.
L'arbre est donc dénudé de ses fruits avec célérité merveilleuse, accompagnée d’une pluie de grappes de dattes qui se détachent et tombent sur une bâche tendue sur le sol pour l’occasion.
Autour de la bâche, s’anime quelques ramasseurs "Ellaggata" pour collecter et trier toutes les dattes qui tombent par terre.
Le " Addel" a pour mission de porter les régimes Arajens au point central de collecte de toute la récolte et de bien les disposer pour éviter qu’ils perdent encore de leurs fruits.
Le " battah" garde les dattes collectées tandis que le "Allag" charge les ânes avec les Arajens de dattes qui seront maintenus par les cordes du "Khartaffe" pour ensuite être transportées par les "Jarraras" vers l'entrepôt du Khadhar.
Normalement, pour un Gataa, il faut trois à sept Medadas (suivant l’hauteur des palmiers), douze Laggata, deux Addala, un Allag, un Khartaffe et six Jarrara.
En une journée et selon l’hauteur des palmiers, un Gataa habile peut récolter les régimes Arajens de 60 à 90 palmiers soit une moyenne de 2,5 tonnes de dattes.
La récolte des autres variétés de dattes, y compris la très populaire variété le Ftimi diffère de celle de Deglet Ennour. Après la découpe du régime Arjoun et au lieu de le remettre à un Meddad, le Gataa le relâche du haut du palmier et le laisse tomber sur une grande bâche étendue autour de l’arbre.
Les oasis du Djérid sont particulièrement riches de différentes variétés de dattes qui dépassent les 150 genres distincts. Quelques variétés sont parfois locales et ne se trouvent même pas dans d’autres oasis à quelques kilomètres de distance.
À Nefta, il avait existé certaines variétés (qui ont déjà disparues) qui n’existaient même pas à Tozeur et vice versa.
Dans le vieux oasis de Nefta, presque toutes les Ghabas, contiennent des variétés mélangées et ce n’est que pendant les dernières 50 ans, avec l’essor de l’export et la modernisation des moyens de préservations des fruits, que les propriétaires se sont mieux organisés dans la plantation des nouveaux palmiers et ils se sont orientés beaucoup plus vers la Deglet Ennour.
Rechercher dans mes Blogs
15 commentaires:
chiya le7kaya?
tu as le mal du pays ou bien
twa7hectni ?
je voulais ecrire chnya le7kaya
@Ma Cousine:
C'est bientôt ma visite annuelle au mois de décembre et la nostalgie me prend déjà :).
je n'oserai pas dire twa7achtek mais je dirai twa7acht tes commentaires, parfois docile et beaux, parfois sulfureux masqués par un parfum de roses :)
mat'khafech ya wil 3ammi, ti ana 9ad dadak ..........................7atta ana' twahecht ennass, wel bassata, werrou7 el khafifa, wel kilam ettayeb, wel essedi9, wel edhaka, weddo7ka min 3rouch el 9alb..., wettabi3a, wel gharess....Wel mettabga, welbarkoukech, wessaffa, wel fermass, wa khassaten EJJERAD :))
J'ai envoyé ta note à mon frère ainé..IL EST en ce moment à l'etranger
A son retour, nous passerons ,si Dieu veut, quelques jours à Degache..
il y a une variété de dattes que l'on ne trouve pas dans toutes les palmeraies , de très grosses dattes chrnues exquises "EL MENAKHER" ..J'en avais trouver chez FAUCHON ( épicerie fine et produits de luxe)... et à quel prix!!
@Zahraten:
Tkabber fi rouhek :) Hatta twally dada belhak :) et le fiston t'offre ton petit fils :).
El Menakher et le Soltani sont deux variétés meilleures que le Deglet Ennour (sur tous les plans : qualitatifs, gustatif, texture, dimension ...) et qui ne sont pas trop répandus dans les oasis du djérid. Ils ont faillit disparaitre.
tu me fais rire là !
je suis 9ad daddak mais je ne peux être daddak...parce que je ne t'ai pas donné le sein !:)
quant aux Mnekhar, seul mon frère ainé en a encore dans sa palmeraie...elles sont vraiment delicieuses...on attend bien sûr la recolte de cette année!
tu me fais rire là !
je suis 9ad daddak mais je ne peux être daddak...parce que je ne t'ai pas donné le sein !:)
quant aux Mnekhar, seul mon frère ainé en a encore dans sa palmeraie...elles sont vraiment delicieuses...on attend bien sûr la recolte de cette année!
as tu lu la note de Jalel el Gharbi (16 Nov 2009) ?
@Ma Cousine:
merci pour l'info ... je vais creuser derrière le mur :)
taba3 el 7it 7it!!!!!!!!:)
@Floria:
http://jalelelgharbipoesie.blogspot.com/2009/11/le-mur-de-nefta.html
Floria est bien le pseudo de ta cousine
BONNE FETE
BEAUCOUP DE FLEURS A TOI ET AUX TIENS
Floria est bien le pseudo de ta cousine
BONNE FETE ET BEAUCOUP DE FLEURS ? A TOI ET A TOUS CEUX QUI TE SONT CHERS§
@Zahraten:
merci, à toi aussi et à ta famille, Bonne fête.
Je sais que tout ce qui tourne autour des fleurs et propriété de la cousine :)
Enregistrer un commentaire